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La forêt des âmes

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Création
Un spectacle Par les communes
Spectacle créé les 8, 9 et 10 juin 2018
dans la forêt des Faux à Verzy.
Textes de Bernard Weber
et Sébastien Weber
Mise en scène de Élodie Cotin,
Raphaël Dubois, Christelle Garand,
Bernard Quental et Christian Termis
assistés de Lou Mary
et Sébastien Weber
Régie générale de Ionah Mélin
et Christophe Marteau
Suspension arboricole de villageois par Gaëlle Girardot d’ArboRetum
Vidéos : Philippe Manceaux (TCB)
et Thimoté Dahm
Avec Jean-Baptiste Carnoye, Manon Méli, Rémi Costa et les villageois de la Montagne de Reims,
ainsi que le concours
de la troupe du Chaudron vagabond, de Livre'S et des Fourberies des patelins.
Contacts
Élodie Cotin, Typhen Ferry,
Émilie Renoir-Sibler (P.N.R.M.R)
03 26 59 44 44
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Texte

Au cœur des Faux de Verzy

Le projet Par les communes, mené par le Parc naturel régional de la Montagne de Reims en collaboration avec le Diable à 4 pattes, s’achève en 2018, avec les commémorations du centenaire de l’Armistice. Cette clôture de résidence prendra la forme d’un grand spectacle participatif, destiné à être représenté six fois dans la forêt des Faux de Verzy. Une partie « déambulation » peuplée de figurants, emmènera le spectateur à la découverte des lieux et le plongera tout doucement dans l’univers du spectacle, celui des morts de la Grande Guerre et des anciens dieux…

Olympe, novembre 1918…

L’histoire… Novembre 18… La Grande Guerre est sur le point de s’achever, mais on meurt encore beaucoup sur le front, au rythme de deux cents tués par jour en moyenne. En Russie, Blancs et Rouges s’affrontent, les Blancs assassinant systématiquement Juifs et paysans, au cas où, cependant que dans le désert syrien les derniers représentants du peuple arménien déporté par les Turcs finissent de succomber à la faim. Ce n’est déjà pas très brillant, mais il faut encore que débute alors la pire pandémie de l’histoire humaine, celle de la grippe espagnole qui tuera trois fois plus que la peste noire.

L’avenir, décidément, s’annonce radieux…

Mais ce n’est pas la préoccupation majeure d’Andre. Son amour, Maddalena, vient de mourir de la grippe et Andre, enragé de chagrin devant cette mort absurde et scandaleuse, a décidé de la ramener d’entre les morts. Le voilà, fort de son bon droit, parti dans l’au-delà à la recherche de son âme sœur. Mais l’au-delà ne ressemble pas du tout à ce qu’il s’était imaginé. En effet, devant l’afflux de morts, les paradis monothéistes ont purement et simplement fermé leurs portes et c’est dans le très ancien enfer de la mythologie grecque que les âmes trouvent refuge. Il va donc lui falloir affronter Charon, le passeur d’âmes, Cerbère, le chien à trois têtes, et puis les dieux eux-mêmes, à commencer par Hadès, dieu des morts. Heureusement, Andre va faire sur les rives du Styx quelques rencontres intéressantes : morts débrouillards et musiciens, morts roublards et morts pour rien… Et puis surtout cette petite âme gracieuse et bien avisée qui connaît les lieux comme sa poche…

Où ailleurs qu’aux Faux de Verzy un tel spectacle pourrait-il avoir lieu  ? Les formes énigmatiques de ses arbres n’annoncent-elles pas la présence de faunes et de dryades  ? Et quand le soir venu l’obscurité monte du sol pour épouser les troncs tortueux, quelles figures archaïques ne surgissent-elles pas, revenues des tout premiers temps de notre histoire ? Forêt mystérieuse et envoûtante par excellence, elle se prête comme par enchantement à la fantaisie de convoquer les anciens dieux et de leur demander, au nom des innombrables morts oubliés, la justice de la mémoire.

Photographie(s) : Alain Julien & Typhen Ferry

Un (long) teaser




Troublant, mon cher Goran



Roquefort et paradis



Pain de guerre



La morte amoureuse



Blanche, tu dors ?



***


Vidéo(s) : Philippe Manceaux

Pauvres morts

Charon. – Alors, on rumine ? On se plaint ? Ah, pauvres âmes, pauvres morts… Vous, toujours vous… Mais que croyez-vous ? Que croyez-vous ? Tout le long du temps qui passe, ou qui ne passe pas, cette barque noire, le fleuve, ses méandres, et la godille, et les eaux lourdes, et les eaux froides, et vous, vous, toujours vous… Que croyez-vous que je vois ? J’y vois à peine. Des figurines, des chiffons, voilà ce que je vois. J’entends si peu. Vos plaintes ? Des rumeurs, un murmure… Non, non, je n’ai pas la partie facile, moi. Moi, j’ai du chagrin, moi. J’ai du chagrin, ça oui, j’en ai, pour moi. Pauvres âmes, pauvres morts… C’est bien votre faute si je suis là. C’est bien votre faute si je suis. Car quoi ? Il faut que vous passiez, c’est, dit-on, votre nature de croire si fort en vous-mêmes que vous vous tourmentez jusque dans la mort. Et pourtant… Les animaux, les bêtes, en voit-on ici, qui se pressent comme vous le faites, inquiets, troublés, qui comme vous à tout crin voudraient tout oublier ? Qu’avez-vous donc vécu qui ait tant de valeur ? La chair ? La passion ? La guerre ? De quoi faites-vous si grand cas ? L’amour ? L’enfantement ? Mais voilà, c’est votre nature, il faut passer, et c’est moi le passeur, alors… Cette pièce que je réclame, c’est mon salaire, le prix de votre oubli, la rétribution de mon chagrin. Il faut vivre, fût-ce au bout du monde, fût-ce à la fin des choses, et moi je vis de compter mes pièces. S’il fallait que je fusse payé du regret de vos vies, je n’aurais rien d’autre à compter que du vent, soit moins encore que de la cendre, et je m’ennuierais. Et je m’ennuie déjà. Il faut me comprendre.

Ernestine Duvivier, à Charon. – Mais vous êtes un affreux bonhomme !

Églantine Duvivier. – Ernestine !

Ernestine Duvivier. – Un affreux bonhomme !

Églantine Duvivier, à Théodule. – Mais dis quelque chose !

Théodule Duvivier, à Ernestine. – Ernestine !

Ernestine Duvivier, à Charon. – C’est assez que nous soyons morts sans qu’en plus nous nous fassions insulter par un vieux grigou mal fagoté qui sent le poisson !

Églantine Duvivier, à Charon. – Excusez-la, je ne comprends pas ce qui lui…

Ernestine Duvivier. – Oui, le poisson ! Le poisson ! Et j’en passe et des bien plus malodorantes. J’avais seize ans et je ne laisserai personne dire que ma vie n’a rien valu !

Théodule Duvivier. – Ah, Ernestine, tu vas te taire maintenant !

Ernestine Duvivier. – Non. Non, je ne vais pas me taire ! Tout ce temps à vivre, à respirer, à courir, à sauter, à bondir joyeusement, ce n’était pas rien… Nous tous ici nous souffrons, tous. Ce n’est pas rien, non, ce n’est pas rien. Je ne sais pas ce qui vous est arrivé quand vous étiez petit, mais je vous plains.

Charon. – Je vous demande pardon ?

Ernestine Duvivier. – Oui. Votre maman n’a pas dû vous aimer assez fort.

Charon. – Ma… maman ?

Ernestine Duvivier. – Oui. Si votre maman vous avait pris dans ses bras plus souvent, si elle vous avait dorloté, si elle vous avait serré tout contre elle en vous chantant des berceuses et en vous grattant la tête, vous n’en seriez pas là. Non, vous n’en seriez pas là. Vous auriez de la compassion. Nos chagrins, nos douleurs, vous les regarderiez avec pitié. Vous sauriez ce que c’est, la peine et le plaisir. Et les roses, vous pourriez les sentir. Et qui sait ? Peut-être même auriez-vous des amis. Et peut-être des amis parmi nous. Nous aurions pu être amis, vous et nous. Et tous ensemble, tous ensemble nous aurions chanté ! (Un temps.) J’avais seize ans, quoi, merde !

Églantine et Théodule Duvivier. – Ernestine !

Ernestine Duvivier. – Oui, bon, d’accord. Flûte !

Un temps.

Charon. – Hum… Hum… Oui… Oui… Bon, la journée a été longue, vous avez besoin de repos. D’ailleurs, vous voilà arrivés au terme de votre voyage. Allez, tout le monde descend. (La barque accoste, les âmes débarquent. Pensivement.) Maman… Hum… Maman…

Charon sort.

***

 
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