Spectacles professionnels

Spectacles professionnels

Depuis le temps qu’il travaille avec un public très majoritairement inaccoutumé à la fréquentation des théâtres, le Diable à 4 pattes a fini par se poser la question de savoir quelles pièces lui proposer pour lui plaire ou, à tout le moins, dans le cas par exemple des collégiens, public captif par excellence, de savoir comment ne pas l’indifférer, le terroriser ou, pire, l’endormir.

La réponse s’est trouvée dans l’écriture de pièces qui sont autant de commandes que la compagnie se passe à elle-même. Ces pièces empruntent aux codes connus de la comédie, de la farce et parfois du boulevard pour toucher ce public dont elle sait qu’à ses yeux le théâtre ce sont, dans l’ordre, d’abord des costumes et du beau langage, puis du rire et de l’émotion et, enfin, de la matière à penser.

Il n’y a pas quatre chemins à emprunter pour représenter sur la scène d’un réfectoire de collège les violences sexuelles et le poison patriarcal  : il faut en passer par le rire, jaune évidemment, un rire qui s’étrangle dans la gorge mais aspire à libérer les rieurs de leurs préjugés et les rieuses de leur peur ou de leur honte. Ainsi, À gauche en sortant du cauchemar est-elle calquée sur L’île des esclaves, pour ce que la pièce de Marivaux enchâsse habilement la rhétorique dans la trame d’une comédie.

Et comment donner à entendre toute la richesse de la langue de Racine à des enfants qui s’en voient imposer l’étude et n’y comprennent pour la plupart rien  ? Précisément en posant la question. Comment parler de Phèdre à l’élève Dupont met en jeu une professeure de français qui doit intéresser des élèves à l’œuvre du vénérable tragédien et fait feu de tout bois dans cette optique, jusqu’à parvenir à faire déclamer une bonne partie de Phèdre à sa classe qui n’y entendait goutte, avant de la libérer car c’est l’heure pressante de la cantine.

Quant à l’abject carnage de 14-18 ou aux luttes révolutionnaires du début du XXe siècle dans le monde viticole champenois, nous nous sommes proposés de les aborder en en cherchant les traces dans les mémoires contemporaines, c’est-à-dire celles de nos voisins les plus proches, habitants des villages de la montagne de Reims et de la Varosse. Traces infimes ou ensevelies sous des récits rabâchés depuis des décennies et devenus légendaires, ignorance signifiante, désensibilisation des expériences passées…

Les raisins de la révolte redonnait leur chair aux antagonistes des émeutes de 1911 en nourrissant leurs personnages des mille et un détails glanés çà et là au cours de nos entretiens. Machinerie traitait de la guerre par la voix d’une comédienne confondue avec une infirmière et propulsée au chevet d’un agonisant  ; pareillement, tout le monologue fourmillait d’anecdotes propres à révéler le caractère éminemment charnel et donc tangible de la guerre.

Nous n’avons nullement la prétention d’apporter autre chose que de très modestes cailloux à l’édifice du répertoire. Nous nous efforçons simplement de vivre le théâtre en bonne intelligence avec le public qui est le nôtre.